Les arbres têtards, une particularité normande
Trogne, truisse, chapoule, ragosse, trognard, têtard, autant de mots pour désigner ces arbres aux formes les plus excentriques.
Drôle de trognes
En effectuant, une taille périodique tous les 10 à 15 ans, au même point de coupe (entre 1 et 2 m de hauteur), l’arbre va cicatriser en laissant apparaître des bourrelets et des cavités, à l’origine de cette silhouette déformée.
Ainsi les rejets, au printemps suivant, donneront les futures branches qui seront taillées à leur tour, au bout d’une dizaine d’années.
Un peu d’histoire
L’apparition de l’arbre têtard, à l’époque du néolithique, correspondrait avec la naissance des ateliers de vannerie qui nécessitait de longues et fines tiges d’osier, obtenues grâce au recépage du saule.
Pratiquée sur d’autres essences (orme, frêne), cette technique permettait la récolte du feuillage, complément de fourrage pour les animaux domestiques.
Jusqu’à la révolution agricole qui a suivi la deuxième guerre mondiale, l’étêtage permettait une production régulière de bois pour le chauffage, la cuisson des aliments, la vie quotidienne (piquets, manche d’outils…).
Un écosystème à part entière
Après plusieurs tailles, certaines plaies sur les têtards cicatrisent mal, donnant naissance à des trous que l’on appelle des cavités.
Peu à peu, les feuilles et les bois morts qui tombent à l’intérieur, se décomposent en un terreau très fertile.
Une flore opportuniste peut désormais s’y développer : fougères (polypodes), géraniums sauvages et rumex, mais aussi des arbustes (sureaux, églantiers et groseilliers) ou même des arbres qui prennent naissance à partir des graines apportées par le vent ou les déjections des oiseaux.
Lorsque les cavités sont suffisamment importantes, toute une faune cavernicole peut alors investir les lieux : abeilles et frelons y installent parfois leurs essaims, lérots, fouines, belettes et chauves-souris s’y reproduisent aussi mais ce sont les oiseaux qui sont peut-être les plus nombreux à occuper ces nichoirs naturels.
Parmi eux, les mésanges cavernicoles, le pigeon colombin et la chouette chevêche.
Dans le terreau va évoluer une population d’insectes saprophages ou saproxylophages dont le plus célèbre d’entre eux est certainement le scarabée pique-prune (Osmoderma eremita), un coléoptère de 3 cm, rare et protégé, qui est devenu célèbre en “stoppant” les travaux de l’autoroute A28 Tours / Le Mans pendant près de 6 ans !