Les confréries de charité, une tradition perpétuée dans le Lieuvin Pays d’Auge
C’est dans l’ouest de l’Eure, au cœur de la Normandie, que les charités sont les plus nombreuses. De nos jours, de nombreuses communes de notre territoire ont conservé leur confrérie de charité.
Les confréries seraient nées au Moyen âge, mais leur véritable développement date de la guerre de cent ans, époque très meurtrière due aux nombreuses épidémies de peste.
Les confréries de charité sont des associations de laïcs dont les membres s’appellent frères et sœurs de charité ou encore charitons. Ils perpétuent une tradition de près de 1000 ans, en assurant bénévolement les services religieux (inhumations, mariages ou baptêmes).
La création des confréries de charité
Nées à partir du 11ème et du 12ème siècles, au moment où les grandes épidémies de peste décimaient les
populations, les confréries de charité sont des groupes de laïcs qui se sont constitués pour enterrer les morts, alors très nombreux, et venir en aide aux familles touchées par ces décès.
En liaison étroite avec le clergé, les charitons plaçaient leur confrérie sous la protection d’un saint patron, celui qui figure encore de nos jours sur leur bannière et ils avaient (et ont encore) une place réservée dans le chœur pendant les offices religieux.
De ces temps lointains les charitons d’aujourd’hui ont conservé certains attributs spécifiques visibles lors des cérémonies religieuses ou de leurs rassemblements traditionnels.
Sur l’épaule gauche ils portent le chapron richement brodé, vestige d’un costume plus ancien, ils tiennent en main une torchère, réceptacle de cuivre au bout d’un mat destiné à recevoir une source de lumière (bougie ou torche) qui leur permettait d’assurer les inhumations de nuit.
Le tintennellier ou cliqueteux possède toujours une ou deux clochettes agitées régulièrement devant les processions et qui devaient,lors des épidémies, éloigner les habitants au passage du convoi mortuaire afin d’éviter la contagion avec les pestiférés.
Regroupés autour d’un maître, ils sont le plus souvent douze charitons qui perpétuent la tradition en assurant les services funèbres et l’aide aux familles.
Le comportement des charitons
Supprimées par la Révolution au moment de la déchristianisation, les charités se sont reconstituées lorsque Napoléon a signé le concordat avec le Pape en 1802, ce qui explique la formule figurant assez souvent sur les bannières : ”Charité érigée en 1802″ alors que bon nombre de ces charités ont été crées 4 ou 500 ans plus tôt.
Au 19ème siècle des conflits les ont opposés au Clergé local qui trouvait leur indépendance et leur mode de fonctionnement en contradiction avec les commandements de l’église.
De là, sont nés des règlements de charités où apparaissent des allusions surprenantes au comportement des charitons : les charitons doivent avoir une bonne conduite et se présenter aux offices religieux sans avoir trop bu, sous peine d’amendes dûment tarifées par un règlement.
Il faut dire que la tradition de la collation offerte aux frères après un enterrement ou celle du repas annuel de la charité, encore maintenue de nos jours, pouvait parfois donner lieu à quelques excès à cette époque.
C’est ce qui a pu faire naître des formules peu flatteuses que nous ne citons que pour l’anecdote afin de ne pas froisser la susceptibilité des charitons : « Boire comme un chariton », ou pis encore : « Si ton veau ne veut pas boire, mets-le à la charité ! ».
Texte rédigé par Gérard Briavoine (ancien maire de Saint Pierre de Cormeilles).